mardi 14 janvier 2025

 

Ce qui me reste de la Covid

Tout s’annonçait bien pour 2020
Comme un grand cru sorti de la cave à vin
C’était sans compter sur un virus made in China
Exporté par avion dans le monde et au Canada
 
Beaucoup ne l’ont pas pris au sérieux
C’était une grosse grippe tout au mieux
Certains l’ont appelé l’ennemi invisible
D’autres ont simplement trouvé ça risible
 
Puis a augmenté le nombre de victimes
Tout à coup ce n’était pas de la frime
La panique s’est emparée de la planète
Fallait se tenir loin et garder les mains nettes
 
Un virus bizarre qui tue surtout les vieillards
Qu’on croyait en sécurité dans leurs résidences
Enfermés comme s’ils attendaient une sentence
Du jour au lendemain on les traitaient sans égards
 
Dans plusieurs pays soudain tout s’est arrêté
La vie, le travail tout est devenu en suspend
Fermées les écoles, les usines et le peuple attend
Que la vie reprenne une fois qu’arrivera l’été
 
Les chaleurs arrivées le virus a pris une pause
Le monde s’est ranimé et la repris au ralenti
À bonne distance toutefois nous a-t-on averti
Sinon au reconfinement serez-vous la cause
 
Alors que l’espoir nous rendait plus guilleret
Croyant venue pour de bon la fin du cauchemar
Nous nous sommes permis quelques écarts
Mais le virus n’avait pas fini, il était aux aguets
 
Son retour a été appelé deuxième vague
Certains diront qu’il s’agissait d’un tsunami
Qui nous éloignait encore de nos amis
Mais avec eux, c’est la liberté qu’on largue
 
Il y en a plusieurs qui en ont eu marre
Et qui ont refusé de jeter encore les amarres
Ils ont bravé les ordres du gouvernement
Pour étirer encore un peu le déconfinement
Il s’en est trouvé pour crier au complot
Contre les dirigeants qui les veulent dociles
Pour les isoler sans qu’ils ne disent un mot
Et qui traitent ceux qui se rebellent d’imbéciles
 
On appelle idiots ceux qui questionnent
Qui veulent qu’on leur explique les statistiques
Qu’on justifie les mesures qu’on leur ordonne
Pour s’assurer qu’ils demeurent statiques
 
Certains pays imposent même un couvre-feu
Comme ça s’est passé naguère
Quand le monde était en guerre
Quand la planète était à sang et à feu
 
Entretemps, une partie du monde attend
La découverte d’un inespéré vaccin
Pour, croient-ils, sauver la planète du déclin
Et rétablir ensuite le rythme de vie d’avant
 
Et si la planète en pause était une opportunité
De repenser notre façon de vivre ensemble
De laisser la terre entière se refaire une santé
Au lieu de la dévaster comme bon nous semble
 
D’ancestrales étendues de forêt sont en friche
Des espèces disparaissent à chaque année
Le sous-sol s’appauvrit à un rythme effréné
Tout ça pour enrichir une poignée de riches
 
Le bonheur passe par la surconsommation
Nous jetons le bon au profit du dernier cri
Nous achetons en triple peu importe le prix
Au resto nous réclamons des doubles portions
 
Il doit y avoir d’autres moyens d’être heureux
Que d’accumuler plein de biens souvent inutiles
Comme de vivre dans un monde chaleureux
Au cœur de la nature où rien n’est futile
 
Quoi qu’on en dise, l’avenir nous appartient
Celui de vider la terre de ses ressources
De recommencer ensuite la vie à partir de rien
Et de s’arrêter, le temps de revenir aux sources.
 
 
 
 
 


jeudi 6 mai 2021

S'évader d'un CHSLD

 


Une évadée d'un CHSLD se raconte (conte imaginaire)

Lorsque j’ai pris cette photo j’ai d’abord vu deux personnes âgées se conformant aux règles de distanciation édictées par le gouvernement pour éviter la pandémie du corona virus. En revoyant la photo j’ai imaginé une histoire moins banale qu’une simple marche dominicale ponctuée d’un arrêt sur un banc public. J’y ai vu un conte dans lequel l’une des deux dames serait une des personnes évadée d’un CHSLD, celle de droite que j’appellerai Alice. Qu’aurait-elle à nous dire pour nous faire comprendre la signification de son geste de rébellion?

« Je me suis évadée parce que j’en avais assez de contempler trois murs beiges et une fenêtre qui donne sur un terne paysage urbain, assez de ne pouvoir quitter ma chambre pour respirer l’air frais et impatiente de voir tout un pan de ciel au lieu d’un petit carré de grisaille les jours de pluie. Depuis quelques jours je me sentais comme une condamnée dans le corridor de la mort, acculée au fond d’un cul de sac en attendant l’inexorable. On me sert mon repas tous les jours, on fait mon lit, on m’apporte à boire et on m’autorise un bain par semaine. Je devrais me trouver chanceuse me répète-t-on tous les jours. C’est pour votre bien qu’on vous garde dans votre chambre madame Alice, dehors il y a un terrible virus qui s’en prend aux personnes âgées et malades. Comme s’ils ne savaient pas que le loup était déjà entré dans la bergerie.

Alors de quoi j’avais à me plaindre pour me prendre pour une Houdini à 82 ans? Pour éviter une fatalité qui grossit le nombre de victimes emmurées comme moi. Peut-être un peu mais surtout pour rattraper une liberté qui m’échappe. Celle pour laquelle je me suis défendue toute ma vie. J’ai travaillé pour elle. Je voulais être libre d’avoir mon argent à moi, de faire des voyages, de m’acheter ce qui me plaisait, d’envoyer mes deux enfants dans les meilleures écoles.

Je ne crains pas la mort. Je suis malade et je sais que le temps m’est compté. La mort, j’entends ses pas feutrés glisser dans le corridor. Je sais qu’elle était ici la nuit précédente parce que le lendemain le bruit d’un décès a couru dans le même corridor. N’est-ce pas une bonne raison de vouloir vivre pleinement les jours ou les mois que m’accorde la faucheuse?

C’en est devenu une pour moi. J’ai profité d’un relâchement un jour de transfert de patients vers l’hôpital pour me glisser furtivement dehors. J’ai été étourdie par tout l’espace qui s’ouvrait soudainement à moi. Les odeurs du printemps ont envahi mon nez et ma mémoire. Je les ai humées à m’en rompre les poumons.

J’ai appelé ma grande amie Catherine de dix ans ma cadette. Elle a compris et a proposé de me retrouver dans un parc où nous avions l’habitude de nous rencontrer. Au coin de la rue, j’ai jeté mon iPhone à la poubelle. J’ai lu dans un roman policier qui m’aidait à meubler mes journées de confinement que la police pouvait vous retracer en triangulant votre dernier appel. C’est aussi pour ne pas laisser de trace que j’ai appelé Catherine d’un téléphone public.

Je ne sais pas combien de temps durera ma cavale. Mais je compte bien en profiter pleinement. Ce ne sont plus Catherine et Alice que les passants voient assises sur ce banc mais Thelma et Louise…

Contrairement aux héroïnes du cinéaste Ridley Scott nous ne prendrons pas la route. À quoi ça servirait d’ailleurs. La plupart des hôtels du pays et des États-Unis sont clos, les restaurants attendent la fin de la pandémie et certaines routes interdisent l’entrée dans la région. Personnellement, j’ai opté pour un voyage intérieur qui me permet de revisiter, avec les émotions d’une montagne russe, les hauts et les bas de mon existence. Sans regrets, sans remords, mais j’avoue avec quelques j’aurais pu...

Pour le moment, pas de fin dramatique en perspective, pas de saut dans le grand canyon la pédale au fond. Me voilà donc assise face à un grand fleuve à contempler l’eau qui glisse paisiblement vers la mer infinie. J’ai l’impression d’être au bon endroit au bon moment puisque j’ai l’impression depuis mon évasion de toucher l’infini à chaque instant. Et si c’était seulement ça sauter dans le vide.

Publié sur Facebook le 22 avril 2020


samedi 14 décembre 2019

Une odeur de bord de mer


Au Sea Shack, planté entre la route 138 et le Lac Saint-Pierre, vous êtes à prés de 500 kilomètres d’Old Orchard Beach. On n’y entend pas le bruit des vagues qui se brisent sur la plage, on n’y contemple pas non plus la mer infinie. Il existe pourtant un de vos cinq sens qui pourrait s’y méprendre durant l’été : votre nez. C’est lui qui vous incitera à vous y arrêter à cause de l’odeur de calmars frits ou de truite fumée qui flotte en travers de la route. Si vous perdez momentanément vos repères géographiques, quelques indications vous rappelleront que vous vous situez à 6020 kilomètres de Cancun et à 9990 kilomètres d’Honolulu. Mais votre estomac ne s’en formalisera pas.

vendredi 29 avril 2016

Ouroboros moderne

En passant devant les bureaux administratifs du CHUM, je suis tombé sur une sculpture métallique plutôt intrigante. J'y ai cherché un sens. J'ai voulu trouver le bout de cet étrange écheveau replié sur lui même. Je le cherche encore. Je me suis demandé si elle se voulait l'illustration symbolique d'ouroboros, le serpent qui se mange la queue pour rappeler le cycle éternel de la nature.

Éternel. Est-ce qu'on pourrait y voir ce qui a semblé à certains une éternité entre l'idéation et la réalisation finale du CHUM. À moins que l'auteur ou un exégète ne m'éclaire sur le sens ésotérique de cette sculpture, je continuerai à nager dans le mystère ou pire, dans la spéculation.
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Esprit de clocher

On ne peut nier le charme d'un clocher accroché à son église. Il en va tout autrement quand le dit clocher se trouve amputé de la partie vitale de son architecture. J'imagine en le voyant le nez de Cyrano privé de la charpente virile de l'illustre guerrier d'Edmond Rostand.

Après la façade imposée rue Saint-Denis au moment de la construction de l'UQAM, voilà qu'on refait le coup à cette pauvre rue en lui imposant une deuxième tour. cette fois coin Saint-Denis et Viger. À la voir plantée là, isolée dans son coin comme un cancre coiffé d'un bonnet d'âne, j'éprouve de l'inconfort pour elle.

Les plus cyniques pourraient être tenté de voir dans la sauvegarde des pignons d'église non pas un attachement à la foi qu'ils ont jadis symbolisée, mais une résilience de l'esprit de clocher. Montréal semble en effet tenir mordicus à sa réputation de ville aux mille clochers.

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mercredi 27 avril 2016

La déprime du penseur

Il s’est appelé le poète avant de devenir Le Penseur. Depuis plus de 130 ans, la créature d’Auguste Rodin incarne un homme perdu dans ses pensées. Il pourrait tout aussi bien illustrer la célèbre affirmation de René Descartes pour qui penser constitue la preuve de son existence. Avec son « Je pense donc je suis » le philosophe déclarait que l’homme ne peut avoir la capacité de douter de toutes choses de façon constructive que s’il ne doute pas de sa propre capacité à douter.
Embourbé depuis plus d’un siècle dans cette spirale infernale, le penseur n’affiche plus aujourd’hui la superbe dont l’avait gratifié le créatif Rodin. Je l’imagine facilement dans cette sculpture blanchie, coin Saint-Denis et Sherbrooke, comme s’il avait soudain réalisé la vacuité de toutes ces années de cogitation.
Peut-être quelqu’un lui a-t-il confié cette autre « vérité » qui veut que l’absence de pensée soit à l’origine de l’illumination du Buddha. Quoi qu’il en soit, la dualité de croyances aurait eu pour conséquence de le plonger dans une profonde déprime.

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lundi 25 avril 2016

La musique pour mieux s'envoler

La musique m'a attiré dans cette rue du Vieux-Montréal. Il y a des airs qui semblent nés pour être interprétés sur un accordéon. Sur une petite chaise inconfortable, Rosita faisait danser ses doigts sur le clavier d'un instrument qui semble trop grand pour elle... mais certainement pas pour son talent.
Il y avait quelque chose d'angélique dans cette scène où une jeune femme aux allures d'actrice de cinéma charme les passants avec sa musique.

Les choses ne sont pas toujours, sinon jamais ce qu'elles semblent toutefois. Rosita n'a rien d'une déesse romaine malgré son nom. Elle arrive d'Australie, son continent de naissance, pour étudier à l'École nationale de cirque de Montréal dont la réputation s'est rendue jusqu'à elle. L'accordéon et son talent lui servent à défrayer le coût de ses études. Elle ne fera donc plus danser bien longtemps les passants du Vieux-Montréal, mais continuera sans doute d'attirer un jour les foules sous un chapiteau.

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